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recherches et écrits transversaux

« Dieu et la Science ; l’Homme ». Un livre qui cherche un éditeur.

27 Mars 2023, 11:12am

J’achève un traité de théologie visant à interpréter la trinité chrétienne en utilisant les concepts de la physique et les spéculations les plus récentes en gravité et mécanique quantique. Tout en plaçant l’homme en position centrale (500 pages). Sans avoir une notoriété médiatique, une œuvre accomplie ou une position reconnue dans une Institution savante, la mission est impossible. Pourtant, il est des grands livres publiés par des auteurs à l’écart des cercles savants. A l’approche de la semaine sainte, j’invite les chrétiens et les bonnes volontés habitées par la charité à diffuser cette présentation pour qu’elle parvienne à un responsable dans l’édition (Cerf si possible), parfois, la providence fait son œuvre. Bien évidemment, je vais aussi employer des méthodes usuelles utilisées par un auteur cherchant à entrer en relation, voire en dialogue avec un éditeur. Dans ce texte, je livre quelques cadres et intentions mais il ne serait pas convenable de publier la présentation complète dans laquelle je donne plus de détails sur cette aventure théologique qui tranche avec tout ce que l’on peut lire actuellement. Merci !

 

 

Introduction : en quête d’une nouvelle alliance entre l’homme, le cosmos et Dieu trinitaire.

 

En règle générale, un auteur ne pressent pas la nécessité de situer son livre dans un contexte historique. En revanche, il est des livres dont le thème est explicitement ou implicitement raccordé à une longue séquence historique et parfois s’inscrit dans un tournant engageant des siècles de savants progrès, voire deux à trois millénaires. Il appartient alors à l’auteur de présenter son étude en rédigeant une courte notice historique, sans pour autant y être obligé. S’il le fait c’est qu’il a la conviction que ses thèses ne sont pas anodines, apportant une nouveauté avec son cortège de controverses car les maîtres des savoirs tiennent à leur corpus et craignent d’être rétrogradés dans le monde ancien, ce qui risque d’arriver. De plus, les thèses « révolutionnaires » sont amenées à ruisseler dans les milieux lettrés et transformer par petites touches l’esprit d’une époque. J’ignore quel sort sera accordé à mon étude qui tranche avec les conventions du moment, ce qui justifie de tracer quelques repères historiques. Cette étude assume non seulement une adhésion au christianisme ; elle vise à constituer une théologie renouvelée. Nombreux ont le sentiment d’arriver vers un achèvement et un étiolement de la civilisation européenne ayant perdu sa mémoire, ses références religieux et éthiques, noyée dans une mobilisation générale dont le style est l’anxiété, la peur, la panique, le culte de soi et le souci de la performance. Dans un contexte tout autre, les sciences de nature et de l’homme sont aussi affectées par les « syndromes de l’achèvement », de la fin qui n’en finit pas. Cette situation ne sera pas explicitée, juste évoquée à travers quelques incises placées dans la présentation de ce livre qui « articule » la science, la pensée philosophique et la théologie trinitaire.

 

 

I. Exposé d’un contexte religieux historique.

 

1) Deux mondes se superposent. Le premier est matériel et technique, c’est celui de la vie biologique, de l’activité des corps gouvernés par des cerveaux rationnels, des écrans numériques, de l’industrie, de l’affairisme, de la production, de la consommation, des événements, des nouvelles de la planète transmises par les médias de masses, des affects véhiculés par les réseaux sociaux. Derrière ce technocosme vit un autre monde, celui de la conscience élargie, de l’âme ou du Sujet disent les philosophes, avec les sentiments, angoisses, inquiétudes, souffrances, bonheurs. Dans ce monde privé et caché murissent les questions que l’on dit métaphysiques non sans quelque intention péjorative. Les questions sur le sens de l’existence, sur nos origines et surtout sur ce que nous allons devenir, non seulement sur terre mais après notre passage dans le monde historique, biographique. Ces interrogations concernent aussi les valeurs, l’éthique, la voie, la présence d’une transcendance nous dépassant et bien évidemment, la question brûlante qui vous fait passer pour un personnage des temps révolus, crédule et naïf, la question de Dieu.

 

Dans l’espace public des débats, des nouvelles, des médias de masses, ces questions d’ordre spirituel ou religieux sont devenues subsidiaires comme si elles n’avaient aucune importance, n’influant pas sur le cours des choses culturelles, des industries du cinéma, spectacles et séries, sur les choses politiques, sur la santé et les utilités pratiques, sur le développement et l’usage des nouvelles technologies, des écrans numériques aux nouveaux outils de l’intelligence artificielle, sur le cours des conflits et guerres dans le monde. Mais ce n’est pas parce que nous sommes submergés par ce tsunami de nouvelles et divertissements que les questions religieuses se sont tues. Loin s’en faut, une large minorité de nos contemporains se demandent quel sens donner à l’existence, si Dieu « existe », le terme existence étant inapproprié et devant être remplacé par le mot « présence ». Les mêmes s’interrogent sur la vie après la mort. L’Eglise avait en charge la question des fins dernières, du salut, de la rédemption, mais elle les a délaissées progressivement sans qu’il n’y ait une explication convaincante bien que l’on soupçonne une évolution culturelle dans les sociétés. Dans les cercles catholiques, les voyants sont au rouge depuis des décennies. Crise des vocations, scandales dans l’Eglise, désaffection des fidèles, déclin de la foi (Je n’irai pas jusqu’à une formule lacanienne en disant que le Clergé propose des réponses qu’il n’a pas à des fidèles qui n’en veulent pas). Ce déclin de la foi catholique et de l’Eglise interroge les historiens des religions et les intellectuels du Clergé. Ici quelques lignes extraites d’une recension de Sandro Magister, vaticaniste, donnée à l’Expresso :

 

« L’Église a déjà, par le passé, connu des périodes de décadence. La déchristianisation actuelle en fait partie. Mais rien ne dit que celle-ci doive être irréversible ni inéluctable, comme aucune des décadences précédentes ne l’a d’ailleurs été. Parce que dans l’histoire de l’Église, il y a eu aussi des saisons de renaissance religieuse. Qui n’ont d’ailleurs pas toujours été à l’initiative ni sous la conduite de la hiérarchie catholique. Au contraire, il n’est pas rare que celles-ci aient été animées de manière autonomie par des hommes cultivés, des intellectuels chrétiens cependant capables d’interpréter et d’inspirer même des mouvements de masse importants. Pour celui qui s’interroge sur l’Église d’aujourd’hui, il est donc plus instructif que jamais de retracer le déroulement de ces saisons. Et c’est ce que fait Roberto Pertici, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Bergame, dans cet essai qu’il a rédigé pour Settimo Cielo.

Le professeur Pertici identifie au moins trois renaissances religieuses dans les cinq cents dernières années. La première est encouragée par le concile de Trente mais plonge ses racines dans le quinzième siècle et prend corps surtout dans le dix-septième siècle en France, le siècle de Pascal et de « Port-Royal », pour ensuite décliner avec l’avènement des Lumières. La seconde fleurit après la Révolution française et Napoléon, dans le climat du romantisme et des nouvelles libertés. Elle est à la fois culturelle et politique, elle va de Chateaubriand à Rosmini, du « Génie du Christianisme » aux « Cinq plaies de la sainte Église ». Elle s’éteint après le raidissement anti-libéral de la hiérarchie ecclésiastique (je précise, Vatican I) et l’émergence du positivisme scientifique. On retrouve la troisième à la croisée du dix-neuvième et du vingtième siècle, il s’agit de celle du « Renouveau catholique », des grands convertis, de Bernanos à Eliot en passant par Chesterton, Papini avec son « Histoire du Christ ». Elle s’éteint à la moitié du siècle dernier avec le déclin du paradigme conservateur comme l’a analysé le professeur Pertici sur Settimo Cielo le 31 août 2020.

 

Et la quatrième ? Le concile Vatican II a essayé de la lancer, celle fois sous l’impulsion des autorités de l’Église elles-mêmes. Mais sans y parvenir, pour les raisons que Pertici a examinées dans un autre article de Settimo Cielo du 14 septembre 2020. L’Église d’aujourd’hui se trouve à ce croisement, entre une renaissance religieuse inachevée et l’avancée inexorable de la déchristianisation, face à un futur dans lequel tout peut encore arriver. »

 

 Ces propos mettent l’accent sur le rôle des intellectuels, artistes et savants revendiquant une fois chrétienne sans pour autant appartenir au Clergé et dont les discours et pénètrent les couches de la société grâce à des œuvres singulières véhiculant les valeurs chrétiennes sans pour autant se figer sur les Ecritures sacrées. Les renaissances religieuses ont pénétré les sociétés sans se limiter à une seule religion ni à une seule culture. La troisième renaissance a notamment été marquée par un éveil trouvant de nouvelles sources et son salut en se tournant vers les religions et spiritualités d’Orient, Inde notamment et bouddhisme. Quant à la quatrième renaissance, j’ignore pourquoi elle n’a pas été mentionnée car elle s’est déjà manifestée en émergeant au milieu des années 1960 sous des formes plurielles, parfois brouillonnes ou exubérantes, à l’écart des ordres religieux, si bien que l’on peut parler d’une renaissance spirituelle diffractée au sein des sociétés industrielles. C’est à cette époque qu’émergence le renouveau charismatique affectant les courants évangélistes réformés puis les jeunesses catholiques et même l’orthodoxie. A ces éveils inscrits dans la chrétienté se sont superposées diverses mouvances spirituelles, notamment les manifestations hétéroclites nées en Californie en même temps, psychédélisme, « summer of love », 1967, année charnière. C’est aussi à cette époque que les rêveries mystico-cosmologiques hantent les physiciens avec la gnose de Princeton et le regard apporté aux spiritualités orientales. Ce fait n’a rien de surprenant, les religions orientales ont toujours maintenu une alliance avec le cosmos, ce qui n’est pas le cas des monothéismes occidentaux. Ces mouvements s’achèvent avec le new age faisant office de queue de la comète. Le renouveau charismatique souhaitait redonner sa place au Saint-Esprit et si l’on devait citer une grande figure de la théologie, on penserait à Jürgen Moltmann, éminent pneumatologue dont l’œuvre est décisive dans l’histoire de la théologie chrétienne. Nos éminents vaticanistes n’ont pas daigné prendre en considération cette quatrième renaissance, considérant que les mouvements charismatiques tendaient à faire jeu à part dans l’Eglise.

 

2) En 2022, l’Europe est en attente non pas d’une quatrième mais d’une cinquième renaissance religieuse. Elle ne semble pas se dessiner dans les sociétés occidentales. Par ailleurs la reprise en main de l’Eglise par Jean-Paul II puis Benoît XIV a sonné comme un rappel à l’ordre. Certes nécessaire pour remettre sur pied les fondamentaux théologiques mais ne se prêtant guère à une renaissance religieuse. Ce qui apparaît comme un « reset » dans l’Eglise a généré des événements contrastés, notamment les journées mondiales de la jeunesse, manifestation ostentatoire aux résultats nuancés, combinant des composants liturgiques au style grande messe à la Woodstock. Ces réserves émises, on ne reprochera pas aux deux pontifes l’organisation de ces manifestations dont le but est à la fois ecclésial et médiatique, l’Eglise cherchant à montrer qu’elle est encore vivante à une époque où les églises ont été désertées par les fidèles. Alors que le monde occidental est traversé par une crise spirituelle de grande ampleur.

 

Signe les temps, la crise de l’Eglise catholique allemande est symptomatique d’une crise de l’Eglise universelle qui tente d’être contenue par les autorités centrales du Vatican. Ce désarroi masqué se traduit pas une tension « historiale » entre deux positions radicales, celle des ultraconservateurs regrettant l’Eglise d’avant Vatican II et celle des progressistes, portée par les jeunes générations ayant absorbé les modes idéologiques du moment, inclusivité, défense des minorités, tolérance des genres, néo-féminisme et cherchant à inclure ces préoccupations dans l’élaboration dans la pratique d’une foi hybride. Bref, un avatar du catholicisme social de 1840 revu avec les préoccupations sociales du moment. Entre les deux extrêmes se situent les catholiques modérés, fidèles aux mises au point théologiques de Jean-Paul II et Benoît XVI. Nous, hommes d’Eglise ou laïcs éclairés, savons pertinemment que la situation est « gelée » sans être pour autant être interprétée comme intenable alors qu’elle l’est. Cette situation n’est pas étrangère à un achèvement de la théologie chrétienne, configuration loin d’être inédite puisque l’achèvement a affecté d’autres champs de connaissances, la mythologie en Grèce précédant l’époque présocratique, les Upanishad et le Vedanta élaborés pour dépasser les limites du védisme indien, le Testament biblique (Isaïe et textes non testamentaires des manuscrits de la mer morte) avant l’avènement du Christ, la philosophie scolastique, la physique en 1900, cette liste n’étant pas exhaustive.

 

3) Comme le sous-entend cette liste de « faits » historiques dans le champ des connaissances, chaque achèvement place les protagonistes dans une alternative. Les uns se contentent de la situation et restent dans leur zone de confort, d’autres pressentent une impasse et ne sont pas satisfaits de ce qui est proposé comme éclairage, comme « manière de voir », ressentant un sentiment de frustration, d’insatisfaction, de blocage, sans pour autant trouver d’ouvertures. Et pourtant, ces ouvertures sont accessibles et praticables à deux conditions ; premièrement, étudier et connaître le « terrain » gnoséologique avec une grande maîtrise et savoir se libérer des savoirs anciens en retenant ce qui doit être conservé tout en apportant des éléments inédits, jamais employés auparavant ; deuxièmement, cette pratique ne peut être déconnecté d’un changement radical de « vision » des choses et du monde, autrement dit, il faut regarder autrement, effectuer une conversion du regard, pas forcément en utilisant la volonté. A toutes les époques d’achèvement, les personnalités singulières ont apporté un regard nouveau. C’est ce que je vais tenter avec les risques inhérents à ce genre de cheminement. Aussi curieux que cela puisse paraître, la physique contemporaine, la biologie, l’évolution, sont dans un état d’achèvement, au même titre que la théologie chrétienne. La question d’un achèvement philosophique a déjà été éclaircie dans les écrits de Heidegger rédigés entre 1936 et 1940. Je la formule de manière cavalière. Depuis Descartes, la métaphysique a vénéré l’avènement du Sujet humain comme source de toute action et de toute connaissance, autrement dit, l’homme s’est pris pour le seigneur de la terre puis récemment du cosmos astrophysique, avec la conquête spatiale. De grandes réalisations certes, mais au vu du spectacle actuel, carnage, déchéance, dépravation, narcissisme, fantasme de toute puissance, guerre totale, il n’y a de quoi s’interroger et de regretter que le Sujet humain ne souhaite s’en remette à un autre « Seigneur » ou plutôt à une transcendance qui l’élève et dont il n’est pas le gestionnaire ni le maître. L’homme moderne a commis un péché d’orgueil, celui de croire qu’il est le seul auteur de la production et transformation de soi, de la genèse de son être, de la construction de la société fondée sur les valeurs laïques et la raison.

 

4) Ce rappel historique sur les éveils et les crises ne peut passer sous silence le « trou noir » traversé par l’Occident de 1991 à 1999 après l’effondrement de l’Union soviétique. Cet événement a parfois servi de prétexte pour expliquer la morosité post-communiste des intellectuels européens alors que ce marasme était déjà en marche et que la fin du communisme ne fut qu’un totem rassemblant la communauté hétéroclite des nostalgiques du grand soir, de l’Etat égalitaire, de la société radieux des loisirs organisée par le socialisme démocratique. Dans un texte écrit en 1989, le philosophe Peter Sloterdijk a constaté avec lucidité que les théories sociales critiques héritées de l’école de Francfort n’avaient plus de prise sur le réel depuis bien longtemps. Elles ne ruisselaient pas avec intensité dans la société ; elles étaient hors sol pour ainsi dire et ne vivaient que grâce cercles universitaires secondés par les médias et une communauté de gens instruits bien intentionnés soucieux de trouver les clés du progrès social et de participer au grand mouvement historiques des émancipations humaines.

 

Les années 1990 sont marquées par un éveil religieux en « fin de course » malgré la fidélité des croyants soutenus par ce pape hors du commun que fut Jean-Paul II. Dans les sociétés européennes, le déficit de religiosité affectant les insatisfaits de la vie fut comblé par diverses solutions alternatives, orientalisantes, ésotériques, méditatives, interprétables comme la queue de la comète du new-age ayant occupé les sphères spirituelles de la décennie précédente. Ces années furent traversées par un désarroi spirituel et une crise du sens de l’existence. Le livre publié en 1991 par Jürgen Moltmann explicita un contraste saisissant entre ce qu’est une existence vivifiée par l’Esprit et une vie d’errance, de dissolution et de désert dans lequel habitent les âmes déshéritées. Dans son avant-propos, il soulignait qu’en ces temps troublés, les hommes faisaient l’expérience personnelle et partagée de tant de limitations et de destructions de la vie et qu’ils s’étaient habitués à la mort, pas la leur mais celle des déshérités de la planète sans oublier Tchernobyl et la guerre en Irak de 1991, événements terribles compensés par la « bonne nouvelle » de la révolution non violente qui fit chuter le mur de Berlin. Depuis ces événements, rien n’a changé et les destructions de la vie ont poursuivi leur course, qu’elles ne manifestent dans la déchéance des existences urbaines, des autodestructions personnelles, des violences ou alors des phénomènes plus « soft » comme la destruction des âmes par la profusion de produits culturels, série TV, show réalités et usages des écrans numériques. La tonalité n’a pas changé depuis 30 années.

 

Un autre repère lumineux fut proposé dans son traité d’intoxication volontaire par le philosophe Peter Sloterdijk, l’un des plus fins analystes des évolutions récentes en Europe. En 1994, à l’occasion d’une conversation avec son confrère Carlos Oliveira, il fit remarquer que le sujet moderne identifie être et produire ce qui a conduit à abandonner l’idée qu’un Dieu ou une « transcendance » pense à travers nous, ou avec nous. Dès lors que nous cessons de supposer qu’une Intelligence universelle et impersonnelle (j’ajoute transpersonnelle, divine) se réalise en nous, à travers nous, avec nous, alors, l’intelligence devient une propriété privée et une sorte de capital pouvant être mobilisé et même accumulé. Pour le dire autrement, nous nous approprions ce que nous produisons, seuls ou dans un groupe. Mon intelligence m’appartient en propre, même si pour la produire, je me suis servi de mes parents, mes maîtres, mes collègues, mes lectures, les conférences auxquelles j’ai assisté, les efforts pour naviguer dans l’existence et m’appliquer à des tâches nécessitant un peu de réflexion, de raison, ou alors beaucoup. Ces quelques lignes marquent une césure avec les considérations heideggériennes sur l’Estre qui est tout autre et qui participe à l’Ereignis, traduit comme révélation appropriante. Je m’approprie ce qui n’est m’est envoyé et proposé par une instance qui m’est étrangère, dont je ne suis pas le maître et que je ne peux produire à partir de mes propres capacités, y compris surhumaines. La fin de la transcendance et de la vie divine dans la pensée n’est bien entendue pas partagée par les membres du Clergé. Elle trace néanmoins un constat sans appel sur la fin d’un monde en livrant quelques pistes sur les mouvances alternatives auxquelles l’auteur ne semble pas vraiment croire. Ce diagnostic historique permet de situer à nouveau monde étude visant à redonner les fondements solides à la thèse de l’Intelligence divine ou Logos s’insinuant dans nos pensées, les transfigurant pour conférer au regard humain un accès quasiment infini à l’intellection du cosmos, des choses, du monde, des hommes, de Dieu. La science, ou du moins une certaine science sera mobilisée en complément de la philosophie pour réaliser cette « mission impossible »

 

 

II. Dieu et la science.

 

Cet exposé rapide du cadre historique sur « l’état du religieux » en Occident permet de comprendre pourquoi la science est à nouveau convoquée en vue d’une « explication » avec « Dieu » à une époque marquée par des crises plurielles dans les sphères religieuses. Notamment une crise de la foi en Occident, superposée à une crise identitaire de l’Eglise de Rome qui apparemment ne décèle pas une éventuelle troisième crise, de nature théologique, engendrée par une sorte de saturation, une pesanteur, un achèvement, sans entrevoir un renouvellement de la doctrine trinitaire et sa relation à l’Homme ainsi que l’interprétation des Evangiles. Sans oublier la Science. Dans l’univers des croyants, une cinquième renaissance n’émerge pas, comme cela a été précisé avec les constats sur les années 1990. Convoquer la science pour satisfaire la curiosité des croyants instruits est tout à fait légitime, même si elle risque un mélange des genres qui n’a rien de nouveau. Il y a plus de deux siècles, une religion naturelle fut construite au moment des Lumières avec comme fondement les lois de la mécanique céleste établies par Newton et l’idée du Grand horloger qui aurait réglé au commencement de l’univers les mouvements et lois du cosmos mais aussi de la matière et de la « vie humaine » possédant en germe les promesses de la Raison. Dans les cercles déistes des Lumières, notamment les loges maçonniques, cette religion naturelle devait supplanter la religion révélée du Livre, ce qui n’a pas empêché d’habiles théologiens de développer une sorte de syncrétisme religieux où la nature et le Livre mènent à Dieu, du moins au Dieu créateur. C’est ce genre d’arguments qui fut employé par William Paley, notant que si un promeneur trouve une montre mécanique sur un chemin, il ne doute pas qu’un créateur en est à l’origine. La vie si remarquablement réglée pour assurer les fonctions vitales est elle aussi alors le résultat d’une création produite par Dieu. Paley publia alors en 1813 un livre nommé Théologie naturelle, qui eut son heure de notoriété et finit par être oublié après la publication de l’œuvre de Darwin.

 

Depuis, la génétique et la biologie moléculaire ont donné l’image d’une vie constituée de milliards de milliards de mécanismes finement réglés, ce qui a incité quelques scientifiques à remettre le couvert en transposant l’argument de Paley à l’échelle moléculaire, le Grand horloger devenant alors l’intelligent design, nouvelle formulation de la théologie naturelle. Les sciences du cosmos ont complété le schéma avec les spéculations sur le big bang. Une somme roborative vient d’être publiée par deux auteurs (M.-Y. Bolloré, O. Bonnassies) ayant enquêté des années auprès de 20 scientifiques pour dresser une liste d’indices convergeant vers une « preuve » de l’existence de Dieu. Ce livre de quelque 600 pages, écoulé à plus de 200 000 exemplaires, ressemble à une somme de théologie naturelle convoquée pour « juger » de l’existence de Dieu. Les auteurs pensent trouver dans la science contemporaine (profane) des indices voire même des preuves de l’existence de Dieu ou du moins de son intervention dans la création de l’univers et les origines de la vie. Quand bien même ces énoncés seraient vrais, ils ne garantissent aucunement que ce Dieu créateur soit le même que le Dieu des Evangiles, ce Dieu se révélant d’abord dans l’Ancien Testament puis venu à travers le Christ incarné révélant le Père comme le Dieu de la résurrection et le « générateur » de l’Esprit-Saint, envoyé lors de la Pentecôte. Le croyant investi d’une foi authentique devrait s’intéresser aux fins dernières, au salut, à la rédemption, à la résurrection des morts (et non pas des corps), sans négliger la révélation qui ouvre les espaces divins et donne des signes sur une voie menant vers la vie juste et rude, sainte parfois, et souvent la vérité. Et ne regarder qu’avec une curiosité intellectuelle bienveillante ce qui a été dit sur l’intervention divine dans les origines du monde et comment la science adhère à cette hypothèse sans pour autant prouver quoi que ce soit. Dieu n’est pas une énigme à résoudre mais un mystère à vivre et le mystère se rencontre à la fin et non pas en regardant le passé qui livre une version intellectualisée du mystère, un classique, sur lequel ont glosé les plus avertis des théologiens depuis des siècles où figure Benoît XVI auteur d’une encyclique sur le vieux tandem raison et foi hérité de saint-Thomas.

 

L’étude que je propose emprunte un tout autre chemin.

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